Le 12 septembre 1968 paraît au Journal Officiel le récépissé de la déclaration des Parlers et Traditions Populaires de Normandie. C’est également à la même époque qu’est publié le premier numéro de la revue qui a alors simplement pour titre le nom de l’association.
C’est l’aboutissement d’un long processus qui avait débuté avec les années d’après guerre.
Dès avril 1946, des conférences sont organisées par Fernand Lechanteur qui est professeur agrégé d’allemand au Lycée de Coutances. Louis Le Mare est la cheville ouvrière de ces réunions publiques, où il illustre les propos du conférencier en disant et chantant des textes en normand. André Louis se joint à eux également comme récitant. En 1949 c’est la rencontre, à Agon, avec Albert Lohier puis peu de temps après (au mois de juin) avec Marcel Lelégard. Si le premier était déjà prêtre, le second étudiait encore au séminaire. Tous les cinq, prennent alors l’habitude de se réunir régulièrement et de faire des projets en prenant exemple sur la Société du Bouais-Jan de Paris, créée par Louis Beuve et François Énault, qui s’était éteinte en 1906.
En 1953 André Dupont vient grossir le petit comité et c’est Albert Postel, organisateur de la société des « Quenâles dé la Foraêt de Bricquebé » qui sera le septième et dernier partenaire.
Durant trois années ils vont travailler à l’organisation de leur projet.
Le décès de Louis Le Mare en, mars 1955, ruine leurs espoirs, les laisse désemparés et disperse le groupe. Cependant deux pôles continuent, durant les dix ans de sommeil qui vont suivre, à plus ou moins exister avec un lien commun permanent en la personne de Fernand Lechanteur. D’une part, André Dupont et Marcel Lelégard et, d’autre part, à Cherbourg, André Louis et Albert Lohier qui va devenir Côtis-Capel et recevoir en 1964, au cours de la Grande Assemblée Normande du 15 août, le prix des « Quenâles de la Foraêt » (devenu depuis le Prix littéraire du Cotentin).
C’est de Cherbourg, mais grâce aussi à Fernand Lechanteur, que les projets vont renaître. André Louis avait pris l’habitude de soutenir les travaux de Côtis-Capel, principalement en favorisant leur diffusion et leur édition, également en faisant des conférences sur la langue régionale.
À Caen, Fernand Lechanteur, alors proviseur du Lycée Malherbe, était chargé à la Faculté des Lettres d’un cours de dialectologie normande. Ce cours, bien que facultatif, attirait de nombreux étudiants et jouissait d’une certaine renommée nourrie par le bouche à oreille.
Parmi les étudiants qui fréquentent assidûment ce cours, il s’en trouve deux ou trois à prendre l’habitude de poursuivre le cours en accompagnant le professeur jusqu’à sa voiture et souvent les entretiens se prolongent sur le parking du campus en un quasi monologue où F. Lechanteur leur communique sa fougue et sa passion. Une sorte d’intimité intellectuelle naît de ces fréquentations, mêlée d’un sentiment d’amitié sans doute réciproque.
Éric Marie était un de ceux-là et il se souvient : « C’est en 1966, à ce que je crois me rappeler, que F. Lechanteur me demanda d’animer le cours en préparant un exposé sur un texte. Sachant que j’habitais la Hague et que je possédais un magnétophone, il me demanda de rencontrer à Cherbourg un auteur de talent pour l’interviewer et l’enregistrer. Il s’agissait de Côtis-Capel, autrement dit : Albert Lohier.
Je me souviens encore de ma surprise quand, en franchissant la porte de l’appartement de la rue Tour Carrée, je me trouvai en présence de celui que je connaissais depuis quelques années sous le nom de « l’Abbé » ou le diminutif de « Bébert », tel que me l’avaient présenté les pêcheurs qui m’avaient introduit dans la coopérative d’avitaillement pour la pêche. Ainsi, celui qui me vendait filets, cordages et autres apllets et le poète normand étaient une seule et même personne… Recommandé par F. Lechanteur je ne pouvais avoir meilleure carte de visite. Nous devions bien vite avoir l’occasion de nous fréquenter, d’autant que sa nièce, Annie Lohier, était également à l’Université de Caen en Lettres classiques et s’intéressait alors à la langue que tout le monde avait encore l’habitude de pratiquer dans sa famille.
Quelques temps après cette rencontre, Côtis-Capel me présenta à André Louis qui sortait précisément d’une de ses habituelles conférences et nous nous retrouvâmes chez ce dernier devant une moque dé beire à faire plus ample connaissance. »
C’est à la suite de cette entrevue qu’André Louis, poussé par Albert Lohier, contacta F. Lechanteur afin de relancer leur ancien projet. La présence de jeunes étudiants motivés leur fit accélérer le processus et, après une réunion très informelle au Café du Théâtre à Cherbourg, il fut décidé de tous se réunir, anciens comme nouveaux, le 11 février 1967 à la Criée de cette même ville.