Albert Lohier

Il fut prêtre, marin et poète sous le pseudonyme de Côtis-Capel. Né à Urville (canton de Beaumont-Hague dans la Manche) le 21 janvier 1915 dans une modeste famille de pêcheurs, il échappa à la destinée ordinaire qui aurait dû être la sienne en partie grâce à son institutrice Mme Beauchamp. C’est elle qui, bien que laïque non pratiquante, informe le curé de la paroisse du désir de devenir prêtre qu’avait exprimé son élève dans un devoir.

C’est ainsi que le jeune Albert Lohier se retrouva au petit séminaire de Biville puis rapidement à l’Institut Saint-Paul de Cherbourg qu’il quittera en 1934, sa « philo » terminée, pour accomplir son service militaire dans la Marine Nationale. Après sa mobilisation à Toulon en 1939, il rejoint le séminaire pour être ordonné le 29 juin 1942. Il est nommé vicaire à Notre-Dame du Roule de Cherbourg. Il s’occupe d’œuvres sociales et organise, avec l’abbé Lebas, le foyer du 24 rue du Château destiné particulièrement à l’accueil des requis de l’Organisation Todt.

Il découvre la Mission de la Mer qui va le rapprocher de ses origines et lui permettre de fréquenter les patrons-pêcheurs et marins du port.

Avec le Comité Cherbourgeois d’Action sociale Maritime, il organise les grandes fêtes de la mer des 12-13 et 14 juillet 1952 auxquelles participera le cardinal Roncalli, nonce du Pape, et futur Jean XXIII.

Il sera à cette époque l’instigateur de nombreux projets et réalisations par l’intermédiaire du Secrétariat social de la rue Tour Carrée (école de pêche, criée au poisson, rénovations urbaines…).

Mais le grand événement qui vient bouleverser sa vie et marquera son œuvre c’est, grâce à l’autorisation de Mgr Guyot, évêque de Coutances, son embarquement sur le chalutier « Va » (puis sur le « Mimi et Charlot » et sur la « Nativité ») qui le plonge dans le monde de la pêche, celui auquel il était destiné de par ses origines.

Malheureusement en 1960 l’autorité pontificale met fin à l’expérience des « prêtres-ouvriers » et Albert doit mettre son sac à terre, subissant une des plus douloureuses épreuves de son existence.

Il pourra néanmoins rebondir quelques temps après, et retrouver le milieu de la pêche grâce à la création de la coopérative de matériel de pêche « Socopêche » qu’il gérera durant vingt ans jusqu’à sa retraite.

Le poète Côtis Capel

Très attaché à la langue de ses origines, il créera et animera de nombreuses associations de défense et de mise en valeur des langues régionales et du normand en particulier.

Son œuvre littéraire en est la plus brillante manifestation.

Travaillant aux côtés des pêcheurs comme prêtre ouvrier, il écrit dans sa langue maternelle une œuvre magistrale imprégnée de cette expérience. Œuvre forte où se côtoient un lyrisme inspiré par le mythe fondateur de l’univers marin et une méditation sur la condition humaine, œuvre inégalée tant par l’authenticité de son inspiration que par la densité de son écriture.

siteinter023Il empruntera une partie de son pseudonyme à son hameau d’origine : située dans le hameau Capel (prononcer Capelle), la maison parentale est juchée à flanc de « côtis » (on appelle ainsi un coteau descendant vers la mer). C’est pourquoi les Lohier portent l’ « avernoum » (le surnom) dans le pays de « côtis ». On dit pour les distinguer des autres les « Lohyis-Côtis » et Albert se trouve donc être un « petit Côtis », « eun petit Côtis du hammé Capel » d’où plus tard son nom d’écrivain.

L’un de ses premiers poèmes, écrit en 1938, évoque les « Vuules falaises dé Gréville » (les vieilles falaises de Gréville), qu’avait peintes en son temps Jean-François Millet. Ce poème sera publié dans un premier recueil « Rocâles« . Suivrons au fil des ans les parutions de « À Gravage« , « Raz-Bannes« , « Graund Câté » et « Les Côtis« . Enfin « Ganache, lé vuus pêqueus« , récit en prose, paraîtra quelques mois après sa mort survenue à Cherbourg le 30 octobre 1986.